Tobacco Bonds, l'histoire d'un scandale hallucinant made in USA

Tobacco Bonds, l’histoire d’un scandale hallucinant made in USA

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Temps de lecture : 10 mn

Vous vous êtes demandé pourquoi certains états d’Amérique du Nord ont décidé d’interdire les arômes pour les cigarettes électroniques et parfois, pire, carrément interdire la vape ? Si vous osez imaginer que c’est pour préserver la santé des citoyens (surtout les jeunes…), la vérité est en fait beaucoup plus complexe et pour bien la comprendre, il faut revenir sur les Tobacco Bonds et le Tobacco Master Settlement Agreement.

Un peu d’histoire

En 1950, le docteur Richard Doll travaille dans son laboratoire d’Oxford et consulte à titre personnel des données analytiques qu’il a récupéré et compilé. Ce travail n’est pas le fruit d’une commande mais d’une recherche purement individuelle : il s’intéresse aux pour la première fois aux effets du tabac. Alors qu’il travaille, il prend son paquet de clopes et les jette à la poubelle. C’est décidé, il ne fumera plus jamais !

Quelques mois plus tard, il rédige et publie un article dans le British Medical Journal. Doll est le premier à démontrer un lien entre le tabagisme et le cancer. Le lien est connu de tous à ce jour mais il fut le premier à le prouver avec ses recherches.

Il expliquera plus tard : « Ce dont personne ne s’est rendu compte à l’époque, c’est que le tabac contenait de faibles agents cancérigènes qui nécessitaient une exposition sur une longue période de temps pour avoir un effet »

En 1971, Leo Burnett, directeur d’une agence de publicité et de communication rentre chez lui, à Zurich. Après avoir échangé quelques mots avec son épouse, il s’écroule et meurt d’une crise cardiaque.

Deux mois plus tôt, une clope à la main, ce dernier expliquait à son auditoire comment il avait réussi le coup génial de créer le Marlboro Man, si, vous savez, ce cowboy sexy qu’on voyait partout…Pendant 20 ans, il fut le publicitaire préféré des fabricants de cigarettes et fut à l’origine de toutes les publicités promouvant la clope.

En 1977, des cadres de Philip Morris sont invités et interviouvés par la chaine de télévision britannique Thames TV. Les équipes ont tourné et réalisé un documentaire intitulé Death in the West (cliquez sur le lien) qui suit 5 américains de type Marlboro Man et qui…meurent tous d’un cancer. Avant la présentation au grand public, le film est proposé à Philip Morris. Chafouin du résultats, pleurant de s’être fait piéger par des méchants tout plein, la société attaque la chaîne de télé en justice et gagne le procès. Le reportage est interdit de diffusion, les fumeurs pourront mourir en paix.

La même année, les cadres dirigeants de l’industrie du tabac se réunissent à l’appel du patron de Philip Morris : Tony Garret. Clopant autour de la table, ils décident en commun de mettre en place une politique pour, je cite “développer une stratégie défensive en matière de tabagisme et de santé, afin d’éviter que nos pays et/ou entreprises ne soient éliminés un par un, avec l’effet domino qui en résulte“.

Tuer, oui, être tué, non !

La résistance du tabac s’organise, et prend le nom d’opération Berkshire. https://en.wikipedia.org/wiki/Operation_Berkshire

A partir de ce jour, l’industrie du tabac ne se contentera plus d’hausser les épaules ou de faire preuve d’une morgue dédaigneuse face aux preuves qui s’accumulent. Non, à présent, il s’agira de détruire ces preuves ou tout du moins, de les combattre. Se met en place un récit narratif complet, parallèle, qui devient rival de celui des preuves scientifiques et médicales. Les premiers bras armés sont le Center for Indoor Air Research, organe composé de personnes de “haut niveau” dont le rôle est de lancer des controverses sur les effets néfastes du tabac et “Infotab“, le service de renseignement des cigarettiers, conçu pour surveiller, réaliser des alliances formelles ou informelles, et réfuter les données des anti-tabac. Tout un programme !

1997, création du Tobacco Master Settlement Agreement

Au cours des ans, les procès contre les fabricants de clopes se sont multipliés. Près d’un millier de plaintes individuelles ont été déposées et presque sans exception, les plaignants ont gagné. Big Tobacco, disposant de fonds quasiment illimité paye des indemnités mais va organiser la riposte très bientôt.

Cette même année, un procès monstre est lancé par 46 états d’Amérique et des milliers d’avocats sont présents. Le verdict final est sans appel et engage l’industrie du tabac (Philip Morris, Inc., R. J. Reynolds Tobacco Company, Brown & Williamson Tobacco Corporation, et Lorillard Tobacco Company, réunis pour l’occasion dans un groupe baptisé Original Participating Manufacturers) à verser 368,5 milliards de dollars aux 46 Etats au cours des 25 prochaines années. L’accord prévoit un versement de 5 milliards par an. Une somme d’argent destinée à « couvrir les frais médicaux liés aux maladies du tabagisme ».

La victoire est totale, Big Tobacco est vaincu, juridiquement du moins…

Attendez la suite…

Les 46 états qui ont gagné sont riches, très riches. Enfin, sur le papier car le règlement prévoit un versement pendant 25 ans. Quant à Big Tobacco, elle n’aura plus aucune  surprise concernant un potentiel recours futur à son encontre, puisque l’accord l’en protège.

Cependant, certains états s’inquiètent. Pendant combien de temps vont-ils toucher le grisbi ? Et si ces fabricants de tabac avaient la mauvaise idée de déposer le bilan, ou pire…que les fumeurs arrête de fumer ! Vous voyez le coup venir ? Non ? C’est là que cela devient hallucinant…car selon l’accord signé entre les parties, les sommes versées dépendront directement du nombre de cigarettes vendues !

En somme, ok pour payer, mais continuez à fumer !

Plusieurs états décident d’encaisser de suite les sommes dues sans attendre les dizaines d’années initialement prévues dans l’accord. Comme dit l’adage bien connu. Mieux vaut “un tiens” que “deux tu l’auras” ?

Sont alors crées les Tobacco Bonds (une obligation financière, c’est à dire, une dette à terme). Grace à ce procédé, les états peuvent mettre en gage* leurs obligations de paiements dus auprès des investisseurs et organismes financiers. Toutefois, comme la valeur de ces titres dépend directement de la vente de clopes qui déjà, commençait à dégringoler, la valeur de ces titres sont rachetés à un coup bien plus bas que leur valeur faciale, aux alentours de 40%…

D’un coup, la valeur de l’amende que doit verser les cigarettiers est passée de 368 milliards à 147 milliards de dollars. Pas mal non ? Mais, qui dit gage*, dit remboursement. Et c’est là que cela se complique :

En plus de ne récolter qu’un très faible pourcentage de la valeur réelle des obligations, c’est qu’aucun remboursement de la part des états n’est exigé avant échéance, souvent 40 ans plus tard (n’oubliez pas, les obligations sont gagées, donc, les intérêts courent….)

40 années durant lesquelles les intérêts s’accumulent. Ainsi, lorsque le prêt du Michigan (par exemple) arrivera à son terme, l’Etat devra rembourser plus de 1 800 fois son emprunt initial ! Concrètement, ces 573 millions empruntés par les douze Etats ci-dessous, leur coûteront… 67,1 milliards de dollars lorsqu’ils devront rendre l’argent.

Schématiquement, cette opération pourrait être décrite de la manière suivante : imaginez faire un emprunt pour acheter une maison d’une valeur de 200 000 $, et devoir ensuite rembourser à la banque 40 ans plus tard, 240 millions.

Et la vape dans tout ca madame Michu ?

On y vient ! Pour rembourser ces sommes d’argent astronomiques, les Etats planifient de n’utiliser que les fonds annuels provenant des paiements de Big Tobacco, via le MSA. Comme je vous l’ai dit plus haut, pour que l’argent rentre, les ricains doivent cloper ou pas trop ralentir (Selon la Pacific Investment Management Company, la baisse de consommation doit être de -4% maximum, pas plus). Vous avez bien lu…

Mais… les Etats ne réussissent plus à rembourser leurs crédits. Pourquoi ? parce-que les ventes et la consommation de tabac sont en diminution d’environ 4.5% par an, et ce, depuis 2006. De fait, les paiements en provenance de l’industrie du tabac par le biais du Tobacco Master Settlement Agreement, diminuent eux aussi. Plus con tu meures !

Et que permet la cigarette électronique ? Que permet la vape ? C’est le principal outil pour ralentir et arrêter le tabac et donc, de réduire les capacités de remboursements des états. Alors, les états peu prévoyants et pris à la gorge ont décidé de prendre le taureau par les cornes et…taper fort. Sur qui ? Sur nous !

Les Etats qui ont vendu des obligations (et se sont ainsi endettés) :

  • Alaska,
  • Californie, ☑
  • Iowa,
  • Michigan, ☑
  • New Jersey,
  • New York, ☑
  • Ohio,
  • Rhode Island, ☑
  • Virginie-Occidentale,
  • Washington, ☑
  • Porto Rico,
  • Guam.

Les Etats et villes qui ont adopté des mesures anti-vape (produits aromatisés interdits voire une interdiction pure et simple du vapotage dans sa globalité) :

Clap de fin !

Alors qu’une condamnation et une amende colossale avait été obtenue par les parties civiles, les cigarettiers s’en sont sortis à bon compte et ont pu continuer vaille que vaille leur juteux business. Des états peu prévoyants et sans doute victimes de la financiarisation à outrance de titres de créances se sont fait berner par des banksters.

Surendettés par leur imprévoyance et leur incompétence, ces états, dindons de la farce, se sont transformés en idiots utiles de Big Tobacco devenant de parfaits relais juridiques contre la cigarette électronique en adoptant des lois contre la vape, les arômes sous couvert de protection des consommateurs et bien sûr, de leur santé !

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